Tony SOULIÉ

Faire provision ! Même si de nos jours il est sans doute galvaudé, le mot voyage vient du latin Viaticum. li désigne les provisions du voyage. S’il rejette un peu ce terme, Tony Soulié n’est pas moins absent de son atelier presque six mois par an… Il aime aller à la rencontre de ce qui n’est ni son lieu, ni son environnement quotidien. Après avoir posé ses traces sur quelque volcan, dans quelques déserts, provision faite, l’errant revient à quai, dans son atelier parisien. Un lieu d’escale simple et austère. Rien de superflu ne doit y encombrer l’inspiration. Retranché de l’effervescence urbaine tout y est propice à la décantation des souvenirs. Riche de nouvelles images, de sensations jusqu’alors inconnues, l’artiste se met à Faire. Commence un travail qui se dépose en couches. Celles d’un récent vécu se mêlant à celle du geste sur la toile, de la réaction des pigments qui s’affrontent au support… Une sédimentation savamment gérée, dans ses accidents comme dans ses surprises. Car ce qui intéresse surtout Tony Soulié, c’est l’empreinte, la trace, surgissant dans la fulgurance de ce qui reste d’une émotion. L’élan créateur cherchant alors à le transformer en une image pérenne. Dans l’histoire de la peinture, le voyage n’a cessé d’être considéré comme une donnée éminemment formatrice pour les jeunes artistes. Velasquez a peint les jardins de la Villa Médicis, quand le Titien faisait le portrait du Roi Jean II du Portugal. Se mélangeaient alors curiosité pour les confrères et recherche d’une différence existentielle. Chez Tony Soulié il n’y a dans cette démarche rien d’exotique ni d’indiscret. La simple curiosité d’un homme qui le plus sincèrement s’intéresse aux autres. Culture, paysage, climat, tout ce qui fonde d’autres hommes et que l’artiste humblement va pouvoir mettre en miroir avec des préoccupations qui sont les siennes. Le compagnon indispensable à cet amas de provisions, est un vieux Leica où s’enregistrent, avec un refus de l’anecdote, les photographies qui serviront de mémoire au travail. Une mémoire à réinventer, à reconstruire et non à décalquer sur la toile. Toile qui souvent n’est autre que le papier baryté du tirage photographique, sur lequel viennent se déposer les couleurs qui manquaient peut-être à tous les gris de la photographie : un vert vu à Valparaiso… un jaune qui n’existe que sous l’Equateur… Ainsi s’additionne toute une somme de sensations qui forge sans doute la véritable identité du travail de Tony Soulié. 

Michel Dieuzaide
Castelvieilh, mai 2006

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